
Afin de devenir plus compétitive, l’Union européenne développe peu à peu de nouveaux outils : rapprochement des priorités stratégiques des régions, appels à projets, plateformes participatives… Autant de moyens jugés nécessaires pour que l’offre d’investissement rejoigne une demande jusqu’alors très (trop ?) dispersée et éloignée de ce que les autorités identifient comme prioritaire.
La spécialisation au service de la compétitivité des régions ?
Révisée en 2013, la S3, stratégie de spécialisation intelligente (Smart Specialisation Strategy en anglais) vise à rendre les investissements industriels européens plus intelligents, spécialisés et stratégiques.
Depuis 2014, l’allocation des fonds structurels et d’investissement européens (FESI) est conditionnée à la définition par les régions de domaines d’activités stratégiques (DAS) pouvant démontrer des potentialités d’innovation en matière de recherche et de développement technologique. La part de fonds dédiés à des projets de R&I s’inscrivant dans les S3 représente 10,3% des FESI à l’échelle de l’UE. Le taux de programmation de ces fonds pour les domaines stratégiques varie grandement en fonction des régions, ce qui ne permet pas à ce jour d’en mesurer l’impact.
Une stratégie à européaniser
En juillet 2017, la Commission décide de revenir sur la S3, à travers une Communication sur le renforcement de l’innovation dans les régions européennes. L’idée est d’améliorer la mise en relation des acteurs de l’industrie, de la recherche et de l’innovation et de faciliter l’usage conjoint de fonds publics et privés, pour passer de la phase de développement d’un produit à celle de sa mise sur le marché.
Afin d’amorcer cette transition, deux appels à manifestation d’intérêt (AMI) pour des actions pilotes ont été lancés en septembre 2017, dont le second vise à créer de nouveaux partenariats stratégiques dans les domaines de la S3. Les cinq à dix projets d’innovation interrégionale sélectionnés viendront s’ajouter aux 20 autres déjà actifs dans le cadre des trois Plateformes thématiques de la S3 (Energie, Agroalimentaire et Modernisation Industrielle).
Entre des entreprises performantes qui travaillent déjà ensemble et de plus jeunes structures locales qui peinent à rejoindre la dynamique, cette solution risque à terme de sonner la pérennisation d’une Europe à deux vitesses.
Plusieurs fonds, une stratégie unique
Dans un souci d’adéquation entre les objectifs industriels formulés dans le Rapport 2017 sur l’Etat de l’Union et la nouvelle stratégie d’investissement de l’UE, il est nécessaire de mieux articuler les volontés politiques et leurs instruments de mise en œuvre (FESI, COSME, Horizon 2020). De fait, pour que la spécialisation intelligente ne reste pas une prérogative des fonds structurels, un appel à projets vient d’être lancé sous le programme COSME. Ce dernier devra permettre le renforcement de la coopération trans-sectorielle, dans une stratégie de développement conjointe. Impératif d’autant plus nécessaire que l’expertise britannique risque d’être inaccessible en cas de « hard » brexit.
Consciente de sa difficulté à réduire les déficits de développement dans ses régions, l’Union européenne, depuis juillet 2017, cherche à renforcer sa stratégie de spécialisation intelligente à l’échelle communautaire. Cependant, les Etats-membres peinent encore à suivre le mouvement ainsi amorcé, au détriment d’un maillage industriel qui ne se resserre pas. Alors que certaines contraintes légales face à d’autres unions économiques se durcissent, le focus sur quelques secteurs très particuliers n’en occulterait-il pas d’autres en pleine expansion (ex. : « blockchains ») ?