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REPowerEU : solution ou illusion ?

Dans le contexte du conflit armé en Ukraine, l’Europe a dû agir rapidement pour mettre fin à sa dépendance géostratégique vis-à-vis des combustibles fossiles russes. L’initiative du plan d’action REPowerEU répond à cet objectif d’une Europe énergétiquement indépendante d’ici 2030. Cet article vise à mettre en avant l’émergence du plan REPowerEU et à analyser certaines interrogations soulevées quant à sa mise en œuvre.

L’émergence du plan REPowerEU 

L’impulsion du contexte géostratégique

L’Union européenne (UE) n’a pas eu d’autre choix que de trouver une stratégie pour se défaire de l’hégémonie russe en termes d’importations énergétiques. C’est un montant d’environ 100 milliards d’euros par an qui est versé à la Russie pour l’approvisionnement en combustibles fossiles. Cette dépendance évidente a souvent fait l’objet de contestations, mais c’est la guerre en Ukraine qui a donné l’ultime élan à l’Europe pour prendre les mesures nécessaires.

Dès lors, la Commission européenne (CE) a dû s’adapter pour ne plus être une source de financement pour la Russie, s’émanciper des combustibles fossiles russes d’ici 2030 et redéfinir une stratégie énergétique plus proche des valeurs européennes et du Pacte Vert. Pour atteindre ces objectifs, la Commission va devoir trouver des moyens de substitution aux importations russes, équivalentes à 40% de gaz, 27% de pétrole et 46% de charbon importé dans l’ensemble de l’UE.

En réponse à ce nouveau défi, le plan REPowerEU : une action européenne conjointe pour une énergie plus abordable, plus sûre et plus durable a été présentée dans une communication de la Commission du 8 mars 2022.

Vers une souveraineté énergétique européenne

Les différents paquets de sanctions européennes constituent un premier pas vers l’obtention de cette indépendance énergétique. Parmi les différentes sanctions économiques figurent l’interdiction des importations de charbon et pétrole en provenance de Russie, ainsi que l’interdiction de nouveaux investissements dans le secteur de l’énergie russe.

Le plan énergétique REPowerEU, élaboré en accord avec le paquet de propositions « Ajustement à l’objectif 55 » repose sur deux piliers :

  • La diversification de l’approvisionnement en gaz, grâce à une augmentation des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) et des importations par gazoduc provenant de fournisseurs non russes, ainsi qu’à un accroissement des niveaux de biométhane et d’hydrogène.
  • La réduction plus rapide de la dépendance aux combustibles fossiles au niveau des habitations, des bâtiments et de l’industrie, au niveau des systèmes électriques, en augmentant la part des énergies renouvelables.

Pour atteindre rapidement ces objectifs ambitieux, la Commission estime que des investissements supplémentaires à hauteur de 210 milliards d’euros d’ici 2027 sont nécessaires.

La remise en cause de la réalisation du plan REPowerEU

Un financement qui fait débat

L’abandon des importations de combustibles fossiles russes représente la première source de financement. L’UE pourrait alors économiser jusqu’à 100 milliards d’euros par an ; mais le plan sera principalement financé grâce aux plans de relances nationaux. L’enveloppe financière de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), instrument phare du plan de relance NextGenerationEU, met déjà à disposition 225 milliards d’euros sous forme de prêts.

La Commission propose de compléter l’enveloppe FRR avec :

  • 20 milliards d’euros de subventions provenant de la vente des quotas du système communautaire d’échange de quotas d’émission carbone (SEQE-UE), qui seront mis aux enchères de sorte à ne pas perturber le marché.
  • 26,9 milliards d’euros provenant du Fonds de cohésion mis à disposition sous forme de transferts volontaires vers le FRR.

Ces transferts permettent aux États membres de prélever une partie des sommes qu’ils versent au fonds de cohésion et au Fonds européen agricole pour le développement rural pour les consacrer au financement de REPowerEU. Mais cette perspective n’est pas bien accueillie par la commission du développement régional (REGI) du Parlement européen qui fait barrière. Son président Younous Omarjee a déclaré : « La question des transferts a déjà été négociée et clôturée (…). La possibilité déjà existante de transferts de 5% représente une contribution suffisante de la politique de cohésion aux objectifs de REPowerEU, d’autant plus que la position initiale du Parlement européen était de rejeter tout transfert ».

En effet, la CE a annoncé dans une Communication du 18 mai 2022 élargir la possibilité de transferts de 5% à 12,5% dans le cadre du plan REPowerEU, à condition que les États membres aient utilisé la possibilité de transfert de 5 % déjà disponible. Malgré les inquiétudes de la commission REGI, le Parlement européen affirme dans sa résolution du 23 juin 2022 (2021/2251(INI)) qu’il « (…) se félicite, dans ce contexte, de la proposition visant à encourager l’utilisation optimale des prêts disponibles au titre de la FRR ».

Partageant les mêmes craintes que la commission REGI, les Régions de France ont adressé une lettre au président de la République le 20 mai dernier expliquant que REPowerEU pourrait constituer le « cheval de Troie » d’une forme de renationalisation de la politique de cohésion.

Quel sera l’impact de ce transfert plus important pour les collectivités territoriales, associations et autres structures bénéficiant des fonds des programmes européens, qui se voient retirées une partie de leurs financements ?

Une efficacité relative

Les 27 défendant des positions énergétiques différentes, il est certain que la réalisation de ce plan énergétique, notamment la dimension législative, fera l’objet de longs débats. La Commission semble confiante, mais les critiques concernant les ambitions et les contraintes du plan REPowerEU sont déjà nombreuses : l’absence d’un plan d’action commun, des combustibles fossiles encore trop présents, un risque pour la sécurité énergétique du fait de la diversification de l’approvisionnement, une estimation insuffisante des coûts ou encore un projet qualifié de trop ambitieux.

Il faut également se prémunir des décisions d’investissements prises dans l’urgence qui ne feraient que perpétuer la dépendance européenne. L’achat commun de GNL auprès des Etats-Unis qui affirment clairement vouloir se substituer à la Russie comme fournisseur principal, ou bien l’achat de panneaux photovoltaïques à la Chine, qui s’est imposé lors des dernières négociations commerciales. Ces investissements ne font-ils pas que déplacer l’origine de la dépendance ?

Sur le marché de l’énergie, l’Europe est manifestement dépendante des importations dans la mesure où les ressources sur le sol européen sont insuffisantes, du moins à court terme. Dès lors, même si certaines critiques sont fondées, la Commission européenne n’a pas d’autre choix que d’agir rapidement pour contrebalancer la fin du partenariat énergétique russo-européen.

 

Imane Mouchi

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